Prendre soin des autres
Fosse de l’ignorance
encourage la dépendance et le renoncement à la liberté
Quelques mots à l’intention de l’agent de santé villageois
Quand vous prenez conscience du nombre de choses qui touchent à la santé, il se peut que vous trouviez le travail énorme et impossible. Et c’est vrai, vous n’obtiendrez jamais de grands résultats si vous essayez de répondre aux besoins de santé tout seul.
Ce n’est que quand les gens eux-mêmes deviennent activement responsables de leur propre santé et de celle de la communauté, que des changements importants peuvent se produire.
Le bien-être de votre communauté dépend de l’action, non d’une personne, mais de presque toutes. Pour arriver à cela, les responsabilités et les connaissances doivent être partagées.
C’est pourquoi votre premier travail est d’enseigner – enseigner aux enfants, aux parents, aux paysans, aux instituteurs, aux autres soignants – à tous ceux que vous pourrez.
L’art d’enseigner est la capacité la plus importante que quiconque puisse apprendre. Enseigner, c’est aider les autres à se développer et à s’ouvrir, en s’ouvrant soi-même. Un bon enseignant n’est pas quelqu’un qui met des idées dans la tête des autres, c’est quelqu’un qui aide les autres à construire leurs propres idées, à faire de nouvelles découvertes par eux-mêmes.
L’enseignement et l’apprentissage ne devraient pas être limités à l’école ou au centre de santé. Ils devraient se passer dans les maisons, dans les champs et sur la route. Pour vous, l’une des meilleures occasions d’enseigner sera probablement le moment où vous soignez un malade. Mais vous devriez rechercher toutes les occasions d’échanger des idées, de partager, de montrer et d’aider les gens à penser et à travailler ensemble.
Vous trouverez dans les pages suivantes quelques idées qui pourraient vous aider à réaliser cela. Ce ne sont que des suggestions. Vous trouverez beaucoup d’autres idées par vous-même.
Les deux approches des soins de santé
Prendre soin des autres
Fosse de l’ignorance
encourage la dépendance et le renoncement à la liberté
Aider les autres à apprendre à prendre soin d’eux-mêmes
Terre de la connaissance
encourage l’indépendance, l’autonomie et l’égalité
Les posters et les petites affiches. « Une image vaut mille mots ». Des dessins simples, avec quelques mots d’explication, ou sans, peuvent être affichés aux murs du centre de santé, ou partout où les gens pourront les voir. Vous pouvez recopier quelques-unes des images de ce livre.
Si vous avez du mal à copier les formes et les dimensions correctement, dessinez légèrement au crayon des carrés sur l’image que vous voulez copier.
Dessinez ensuite le même nombre de carrés légèrement, mais en plus grand, sur l’affiche ou le carton. Ensuite, copiez le dessin, carré par carré.
Si possible, demandez aux artistes du village de dessiner ou de peindre des posters. Ou faites faire par les enfants des affiches sur différents sujets.
Les formateurs peuvent aussi utiliser les espaces pour faire les formations dans les villages. On se sert, soit de la poudre de charbon, de la cendre, des cailloux, des feuilles et autres petites choses pour représenter les besoins de la communauté.
Les modèles et les démonstrations aident à faire passer les idées. Si vous voulez, par exemple, parler aux mères et aux sages-femmes des soins à prendre pour couper le cordon ombilical, vous pouvez utiliser une poupée pour représenter le bébé. Attachez, avec une épingle par exemple, un cordon fait de tissu sur son ventre. Les sages-femmes expérimentées pourront montrer aux autres comment cela se pratique.
Des images et filmes sont disponibles sur différents sujets de santé pour de nombreuses parties du monde. Certains viennent dans des ensembles qui racontent une histoire. Des visionneuses simples et des projecteurs à piles sont également disponibles.
Des vidéos qui portent sur différents sujets liés à la santé dans beaucoup de parties du monde peuvent se trouver sur vidéocassettes, en DVD, et sur l’internet. Il existe aussi des projecteurs qui marchent avec des piles. Mais la technologie ne remplacera jamais un bon enseignant.
Vous trouverez en fin de livre une liste d’adresses où vous pouvez recevoir du matériel d’enseignement que vous pourrez utiliser pour l’éducation à la santé dans votre village.
De plus, une publication d’ENDA Tiers-Monde (ET 45) donne la liste de tout le matériel d’éducation pour la santé fabriqué en Afrique francophone au sud du Sahara. Au Mali, on en trouve aussi au Centre national d’information, d’éducation et de communication en santé (CNIECS, Tél. : (223) 222 54 93, BP 1218 Bamako).
Quand vous avez quelque chose de difficile à expliquer, une histoire, surtout une vraie, peut traduire exactement ce que vous cherchez à dire.
Si je vous dis, par exemple, qu’un soignant du village peut parfois faire un meilleur diagnostic que le docteur, vous ne me croirez peut-être pas. Mais si je vous raconte l’histoire d’Awa, qui travaille dans un petit centre de nutrition en Afrique de l’Ouest, vous pourrez comprendre.
Un jour, un enfant, petit et maladif, était arrivé au centre de nutrition. Il avait été envoyé par le docteur d’un centre de santé voisin, parce qu’il était dans un état de malnutrition grave. Il toussait aussi, et le docteur lui avait déjà prescrit un médicament contre la toux. Awa a commencé à se faire du souci pour cet enfant. Elle savait qu’il venait d’une famille très pauvre et qu’un frère plus âgé était mort quelques semaines plus tôt. Elle est allée rendre visite à la famille et a appris que le frère aîné avait été longtemps malade et avait craché du sang en toussant. Awa s’est rendue au centre de santé et elle a raconté au docteur qu’elle avait peur que l’enfant ait la tuberculose. On a fait des tests, et ils ont prouvé qu’Awa avait raison… Donc, vous le voyez bien, l’agent de santé avait trouvé le vrai problème avant le docteur – parce qu’elle connaissait les gens, et qu’elle leur a rendu visite au sujet de l’enfant.
Les histoires rendent aussi l’apprentissage plus intéressant. Elles sont encore plus vivantes et efficaces quand ceux qui les racontent savent bien raconter les histoires.
Un proverbe dit : « Il faut entrer dans l’inconnu pour savoir ce qu’il y a de nouveau. » C’est ce qu’Awa a compris en allant voir au point de départ, pour bien se rendre compte de la situation réelle, auprès de la famille du petit garçon. Si elle était restée à son centre de nutrition, elle n’aurait peut-être pas compris que l’enfant avait la tuberculose.
Les histoires qui veulent faire comprendre quelque chose d’important peuvent encore plus frapper les gens si elles sont jouées avec des acteurs. Peut-être qu’avec l’enseignant ou quelqu’un du comité de santé, vous pourriez jouer de petites pièces ou des sketches avec les enfants de l’école.
Par exemple, pour montrer que la nourriture doit être protégée des mouches si on veut éviter la transmission de maladies, plusieurs enfants pourraient se déguiser en mouches et bourdonner autour d’aliments qui ne sont pas couverts, et les toucher. Ensuite, d’autres enfants mangent cette nourriture et tombent malades. Mais les mouches ne peuvent pas atteindre la nourriture placée dans une boîte protégée par une moustiquaire. Alors, les enfants qui mangent cet aliment qui a été protégé restent en bonne santé.
Plus vous trouverez de manières de faire passer les idées, plus il y aura de gens qui comprendront et se souviendront.
Il y a beaucoup de façons d’intéresser les gens et de les motiver à travailler ensemble pour pouvoir répondre à leurs besoins communs. Voici quelques idées.
Les enfants peuvent accomplir un travail impressionnant si ce travail est transformé en jeu.
Comme agent de santé, vous remarquerez probablement que, dans vos efforts pour améliorer la santé des gens, votre succès dépendra bien plus de votre capacité à enseigner que de vos connaissances médicales ou techniques. Car c’est seulement quand la communauté tout entière participe et s’organise, que les gros problèmes peuvent être résolus.
Les gens n’apprennent pas beaucoup de choses quand on ne fait que leur parler. Ils les apprennent à partir de ce qu’ils pensent, ressentent, discutent, voient et font ensemble.
Ainsi, le bon enseignant ne s’assied pas derrière un bureau pour parler aux gens. Il parle et travaille avec eux. Il aide les gens de sa communauté à réfléchir clairement à leurs besoins et à trouver les moyens les plus adaptés de les résoudre. Il recherche toutes les occasions de partager des idées d’une manière ouverte et amicale.
Parlez avec les gens…
pas au-dessus de leur tête.
Il se peut que la chose la plus importante que vous puissiez faire en tant qu’agent de la santé soit d’éveiller les gens à leurs propres capacités et possibilités… de les aider à prendre confiance en eux-mêmes. Parfois, les villageois ne changent pas certaines des choses qu’ils n’aiment pas pour la seule raison qu’ils n’essayent pas de le faire. Trop souvent, ils se jugent eux-mêmes ignorants et incapables.
Mais ils ne le sont pas. La plupart des villageois, y compris ceux qui ne savent ni lire ni écrire, ont des connaissances et des capacités remarquables. Ils modifient déjà beaucoup leur environnement avec les outils qu’ils utilisent, la terre qu’ils cultivent et ce qu’ils construisent. Ils peuvent réaliser beaucoup de choses importantes que des gens qui ont été très longtemps à l’école ne savent pas faire.
Si vous les aidez à prendre conscience de tout ce qu’ils connaissent déjà, et de ce qu’ils ont fait pour changer leur milieu, ils réaliseront qu’ils sont capables d’en apprendre et d’en faire encore beaucoup plus. C’est en travaillant ensemble qu’ils pourront apporter de plus grands changements encore, cette fois dans leur santé et leur bien-être.
Maintenant, comment réussir à leur expliquer cela ?
Il arrive souvent que ce ne soit pas même possible ! Mais vous pouvez les aider à trouver certaines de ces choses par eux-mêmes – en les rassemblant pour tenir des discussions. Vous-même, parlez peu, mais commencez la discussion en posant certaines questions. Des images simples, comme les dessins proposés ici, peuvent vous aider. Il serait bon que vous fassiez vos propres dessins qui montrent des bâtiments, des personnes, des animaux, et des récoltes ressemblant autant que possible à ceux de votre région.
Utilisez des images pour amener les gens à parler et à réfléchir ensemble.
Montrez à un groupe de personnes de votre communauté une image qui ressemble à celle-ci, et demandez-leur d’en discuter. Posez des questions pour amener les gens à parler de ce qu’ils connaissent et de ce qu’ils peuvent faire. Voici quelques exemples de questions :
Ce genre de discussions en groupe peut renforcer chez chacun la confiance en soi, et en la capacité de la communauté à changer les choses. Elles peuvent aussi pousser les gens à s’engager plus avant dans leur communauté.
Au début, vous trouverez peut-être que les gens sont lents à s’exprimer et à dire ce qu’ils pensent. Mais au bout de quelque temps, ils commenceront à parler plus librement et à poser eux-mêmes des questions importantes. Encouragez chacun à dire ce qu’il ressent, et à s’exprimer sans avoir peur. Demandez à ceux qui parlent le plus de donner une chance à ceux qui sont plus lents à s’exprimer.
Vous pouvez imaginer beaucoup d’autres dessins et de questions pour commencer des discussions qui aideront les gens à mieux reconnaître les problèmes, les causes de leurs problèmes, et les solutions possibles.
À propos de l’image suivante, quelles questions pourriez-vous poser pour amener les gens à réfléchir aux différentes choses qui sont liées à l’état dans lequel se trouve l’enfant qui est sur le devant du dessin ?
Essayez de penser à des questions qui en créent d’autres, et amenez les gens à se les poser eux-mêmes. Quand les membres de votre communauté discuteront d’une image comme celle-ci, combien de causes indirectes trouveront-ils à la mort d’un enfant souffrant de diarrhée ?